Jour Un








Je bois dans ses paumes la mousse des bains
La nuque un peu penchée
Sous l'effet du portage
Je disparais là où tout se regarde
L'eau me nourrit
Ma peau gémit et coule sous lui
La passive appartenance à l'ordre des matières
M'allège du savoir
Protégée assez, je marche haut
Et décollée du sol où il avance






Jour Deux









Rallier en nous les peurs des enfants qui s'éveillent
L'audace de vaincre aussi
Puis s'absenter
Partir pour rien
Nous perdre dans nos clandestinités
Cette fois, parler pour de bon
Je m'arrondis et glisse à ses côtés
  Toute la gravité du jeu
Vibre dans mes hanches
Insatiable d'insouciance
Jusqu'à la nuit épaisse
Bleue à n'en plus vouloir de couler
Qui nous prend sous elle
Et lie à son silence 
Nos balancements












Jour Trois






Il lui  faudra, un jour, descendre de moi-même
Reprendre de sa forme humaine
J’ai peur des airs
La fiction caniculaire
Occupée par son lointain vivant
Les chants d’allégresse qui me tiennent en éveil
Puis se perdent
Me laissant essoufflée comme ayant trop couru




Jour Quatre





Bien-sûr
J’ai peur
Je sais plus tard quand je m'endors
C’est ailleurs q
ue s’avancent 
Ceux qui s'étaient cherchés
Pris dans la vigilance des pentes où nous glissons
Nos dunes sont invisibles
Mais il y a ses mains, ses mains
Qui me rappellent à moi
Posées sur les pans de ma mémoire
Elle le soutiennent
Et me remplace pendant son absence
Je veille






Jour Cinq









La nuit épaisse de ce sud pailleté pèse
Sur l’effort électrique
Les ténèbres subtropicales s
’imposent
Et lourd vers le soir
Il impose à moi son insolite obscurité
Mon étranger











Jour Six









Quand sa voix surgit enfin
Au centre de mon silence écrasant
Quand elle s’adresse, me redresse là-bas
Et qu’il existe encore

L’orifice où se croisent les désagrégations
Et les fontes brutales
L’orifice des dissolutions
Et des effacements se referme
Immédiatement
Quand sa voix revient vers moi
Je reviens à moi
Il me donne le poids
Par son ventre, il m’appesantit
Il est là et quoi qu’il en fasse
Ce qu’il y fait me suffit













Jour Sept





Ce qui se perd dès qu’il tourne le dos
Brille loin

Dans l’obscurité de mon ignorance
Ce qui se perd de moi
Le jeu
L’abondance
La peau affinée des sens à vif
Briller
Briller
La lumière de lui plaire
  Et l’arrogance
Un salto pour ses beaux yeux
Plein sa vue de ma perfection








Jour Huit






Je ronronne
Je ronronne en m'appliquant
Et passe le doigt 
Entre les fentes de sa nuque
Je l'en sors, presque intact

Tout à coup excitée d’être
Sous ce que je me vois dans ses yeux











Jour Neuf










S'il était là
Quelque part
Il y aurait son être
Contre qui caler mon pas
Qui irait quelque part
C'est ce que je crois



Jour Dix









Ses yeux sont sans fond 
Prisonniers de la brume
J’y sombre tout à fait
Je n’y lis rien, à peine j’y regarde quelque chose
Je ne cherche jamais à savoir quoi
Ses yeux m'aspirent vers tout ce que j’ignore
Parfois je m’y pose
Parfois je m’y immerge
Le songe en apnée







Jour Onze







Il tire le drap
Bien lisse sur le dos de mes pieds
Puis posant ses mains sur son travail achevé

Avec application
Il me parle


Jour Douze









M'ouvrir est lent
Une mise bas à l’envers
Il entre
S’exécute
Il tapisse mes parois de sa patience
Au bout de ses mains
Il prend place
  À chacune de ses offensives

Il s’incruste plus avant
Dans des silences sans bord

Où je me tends vers l’abandon
Pour que sa sève me remplace
Ce qui coule hors de lui
S’ouvrir à lui me perd
Et me perdre tout à fait est ce que j’attends




Jour Treize







Une alerte de haut en bas
Entaille le drap terne de mon tympan
Il se condense et se fraye un chemin
À la force de son gémissement
Il pénètre
S’installe
Par pans entiers son râle s’allonge
Puis implose
Laissant couler le long de mes doutes
La goutte dernière de sa semence









Jour Quatorze








La qualité du manque
Vibrant tout entier

L'acier
Sans pause, ni courbe
Épais
Armé à toute heure du jour
Sourd aux passés et obstinément tendu









Jour Quinze













Que je n'oublie jamais au pli des bras
Écrasés par l’air vide
L’asymétrie et la perte
Que je n’oublie jamais
Le vernis rayonnant du silence
Sa perfection
La distance saturée du songe en creux















Jour Seize









Que le bruit assourdissant
Lorsque je tombai 
À plat à ses pieds
Je ne l’oublie jamais !
Autour des organes bruissants
Ce silence assourdissant
Perçant la cause suraigüe de son défaut
Que je ne l’oublie jamais !








Jour Dix-Sept







Perçant la cause suraiguë de son défaut
Que je ne l’oublie jamais !
Ce sera l'hiver
L'absence comme une règle
Ce sera un long hiver
Un tête-à-tête avec le cruel calcul du temps
Cruel aussi
je pensais savoir
Mais le fil des jours se noue sur lui-même
Toujours à créer
jamais bien connu
Etranglant en son lien
Ma faute
Le bourdonnement de ma surdité naissante
L'absence devenur règle
L'absence devenue souche
Où m'endormir à rebours
palpant au creux du vide
Ce corps devenu matière
Sans moi 
Qui glisse lentement
Dans l'urne où sont déjà mes cendres



Jour Dix-Huit









Ce sera si long
 Si long
Vidé de tout sauf de la durée

 Un effort souterrain sans cesse recommencé
Chaque jour à chaque heure
J’ai déposé dans ses mains tout de ma bienséance
Il est là-bas

Je cherche en un lieu où je ne suis jamais
Vidée de moi-même
Je lui ai dédié l’étincelle même de mon voyage
C’est un effort
Constant




Jour Dix-Neuf








Comme est constante la mesure du temps




Jour Vingt







Que je n’oublie pas
Que je n’oublie pas
Que je n’oublie pas




Jour Vingt-et-Un








Novembre m’affaisse
L’ingratitude du gris qu’il tire vers l'au-delà
L’interminable du gris
Novembre m’essouffle
S’égoutte au bord d’une patience
Qui ne me ressemble pas
Une brume plate
Sans vertèbre
Alors comment tourner la tête ?





Jour Vingt-Deux





Qu'ai-je confié
Les tensions de toujours
Béate des pieds à la tête
Qu’ai-je abandonné
Affolée par cette nouvelle langue
Bredouillante devant l’incroyable évidence
Qu’ai-je laissé
Les tensions de toujours
M’assoupissant contre mon gré
Sous les moelleux frôlements
Dont il enveloppe mes acidités
Qu'ai-je repoussé
Perdue enfin dans mes essences
Fixant le fond qu’on croirait presque pouvoir toucher
Les abords qui ne nous enlacent que pour s’échapper plus loin encore
Derrière les tensions de toujours

Qu'ai-je enlacé
Les multitudes de soi
Les nœuds même de l’unité
La voie est étroite

La marge à peine visible où je me perds
Renaître il semble

Aux tensions de toujours





Jour Vingt-Trois








Lui avoir laissé le libre arbitre de ma densité
C’est donc ainsi qu’il faut me reprendre
  À zéro





Jour Vingt-Quatre







Il est là
Dans l’effondrement du temps qui nous traverse
Dans les creux
Il se maintient sanglé à moi
Par notre commune incrédulité
Il est là
Dans une constance étonnante
Celle que je lui octroie
J’ai fini par croire en l’état de cet esprit
Qu’il déposait pièce par pièce dans mes ressassements
Il a stabilisé ses positions
Plusieurs cercles autour de mes angles





Jour Vingt-Cinq







Il l’a fait
Et parfois
Le souffle que je prends
Je n’y crois pas







Jour Vingt-Six


 





J'ai attendu, j'ai attendu




Jour Vingt-Sept








J'ai attendu
Comme pliée par une trace génétique
Un atavisme secret

L'attache incurable à ce qui me précède
J’ai attendu jusqu’à l’écœurement
Tétanisée souvent
Nageant à contre-courant des nouvelles du monde
Accrochée aux effets peu incandescents
D’une expérience fracassante et fade
Toujours renouvelée

J’ai attendu
Peuplant mes riens de petites choses
Appliquée et vaillante

J’ai attendu
Et il était en moi
Haut et magnifique
Suspect et froid
Sans que j'y pense

Alors
Il était tout





Jour Vingt-Huit




J’attends
Réveillée à tout jamais
Prise aux mots
Il me parle
Il me parle
Et j'attends
Je dors sur les effets de son délai
Il ne me reste que mes yeux
Qui se ferment sur lui
J’attends
C’est ainsi





Jour Vingt-Neuf










Les deux pointes des méridiens pénétrant
Dans un haut-le-cœur
L'expérience
Chacun son attente, peut-être
Mais tournoyant vers un jour
Toujours fuyant
Au présent devenue presque aveugle
Je jette des cailloux sur toutes les montres
Tentant d'enfouir ma joue 
Au plus profond de mon épaule 





Jour Trente











J'ai attendu, j'ai attendu
Fermée au bout 





Jour Trente-et-Un













Nous, nous
Qui parle ? 



Jour Trente-Deux





Où ne pas chercher ?
Tout est sensible

Dehors
Chaque image s’ouvre à mes yeux
Comme une contusion
Dedans
Tout est serré autour de ce qui est
Presque
Impossible
Rester là
Attendant
Presque est mon écart et m’étire devant
C’est un mot sans limite
C’est un mot fidèle
Comme l’époux de cette absence
Dont je ne peux pas
Me passer